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alain de benoist - Page 22

  • Des animaux et des hommes...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°188, février 2021 - mars 2021) est en kiosque!

    A côté du dossier consacré à la relation entre l'homme et l'animal, on retrouvera l'éditorial d'Alain de Benoist, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés et des entretiens, notamment avec l'universitaire américain Patrick Deneen, le juriste Frédéric Rouvillois, le jeune essayiste Thibaud Gibelin, l'historien militaire et officier d'infanterie Olivier Entraygues, le spécialiste de Jünger François Poncet, le journaliste et cinéphile Michel Marmin ou la présidente du rassemblement national Marine Le Pen, ainsi que les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin, de Ludovic Maubreuil, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers, d'Yves Christen, de Bastien O'Danieli et de Slobodan Despot. On y trouvera aussi, et malheureusement, à la place de son anti-manuel de philosophie, un hommage à Jean-François Gautier, décédé le 6 décembre 2020.

     

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    Au sommaire :

    Éditorial
    L’écologie : la nature ou la «planète» ? Par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’entretien
    Rencontre avec Patrick J. Deneen : la fin du libéralisme est en vue. Propos recueillis par Thomas Hennetier

    Cartouches
    Rire avec le pape, lutter avec les anarchistes russes, le regard d’Olivier François

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    Cinéma : Lucio Fulci, poète du macabre, par Nicolas Gautier

    Carnet géopolitique : Ces menaces qui servent si bien nos ennemis, par Hervé Juvin

    Champs de bataille : une bataille peut en cacher une autre, par Laurent Schang

    Les engeôleurs, par Bruno Lafourcade

    Économie, par Guillaume Travers

    Bestiaire : les chats savent aussi nous imiter, par Yves Christen

    Sciences, par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées
    Affaire Duhamel : la vengeance des enfants de Mai 68, par Pascal Eysseric

    Frédéric Rouvillois mène l’enquête sur une autre « Familia grande ». Propos recueillis par Pascal Eysseric

    Henri Proglio, un industriel dans les eaux glacées de la finance, par Alain Lefebvre

    Klaus Schwab : le « Great Reset » par son inventeur, par Alexis Martinot

    L’éclairage de Thibaud Gibelin : l’illibéralisme de Viktor Orbán. Propos recueillis par François Bousquet

    Drone de guerre en Arménie : la victoire des robots tueurs, par Jean-Eudes Gannat

    Entretien avec le lieutenant-colonel Entraygues : le nouvel art de la guerre. Propos recueillis par Laurent Schang

    Contre les pleureuses du féminisme, la révolte de Camille Paglia la païenne, par David L’Épée

    Andrea Marcolongo, nouvelle héroïne grecque, par Anne-Laure Blanc

    Téméraires, hardis, bons, sans peur : l’Europe des ducs de Bourgogne, par François Bousquet

    Entretien avec François Poncet : Carl Schmitt, Ernst Jünger et nous. Propos recueillis par Pascal Eysseric

    Michel Marmin : pour une cinéphilie qui empêche de dormir. Propos recueillis par Alix Marmin

    Face au choc des incultures : de l’urgence de transmettre, par Alix Marmin

    Cyrano, l’homme qui tua Edmond Rostand : l’art de la pyrotechnie française, par François Bousquet

    Jean Meckert en rouge, John Amila en noir : l’antidote à Céline, par Christophe A. Maxime

    Luc-Olivier d’Algange : pour les droits de l’âme européenne. Propos recueillis par Olivier François

    Paul Morand est une fête : notre « anywhere » préféré, par François Bousquet

    Dossier
    Des animaux et des hommes

    L’animal est-il une personne ? Le propre de l’homme est irréductible, par François Bousquet

    Adieu veau, vache et cochon bio : la nourriture de synthèse, un rêve de Frankenstein, par Pascal Eysseric

    Entretien avec Marine Le Pen. Propos recueillis par Pascal Eysseric

    Le biologiste Yves Christen se raconte : les animaux de ma vie, par Yves Christen

    Panorama
    L’œil de Slobodan Despot 89 Reconquête : apprendre à dire « non », par Slobodan Despot

    In memoriam : Jean-François Gautier, au banquet des Immortels, par Paul-Marie Coûteaux

    Un païen dans l’Église : l’être cosmique, Abbatiale Sainte-Marie, par Bernard Rio

    C’était dans Éléments : Dominique Venner, fidèle de Diane, par Christopher Gérard

    Éphémérides

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  • " L’attirance qu’a pu susciter l’Amérique va progressivement se tarir "...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Breizh Info, dans lequel il donne son sentiment sur l'actualité récente.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020) et  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

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    Alain de Benoist : « Internet n’est pas un espace de liberté, mais un espace de flicage, d’ordures verbales et de tout à l’égo »

    BREIZH-INFO. Quelle a été votre réaction face à l’invasion du Capitole par des manifestants pro-Trump ?

    ALAIN DE BENOIST : Une surprise amusée. Elle s’est transformée en franche hilarité lorsque j’ai vu tout ce que la scène publique compte de représentants de l’idéologie dominante se déclarer, comme des vierges effarouchées, horrifiés de la « profanation » de ce « symbole sacré de la démocratie ». S’il faut voir dans le Capitole un « symbole », ce serait plutôt celui de la magouille et de la corruption. Je sais bien que les Etats-Unis se sont de tous temps présentés comme les vaillants défenseurs de la démocratie et de la liberté, mais franchement, qui peut encore sérieusement croire que ce pays est une démocratie, alors qu’il est dirigé par la plus malfaisante des oligarchies financières ? Les manifestants qui ont envahi le Capitole le savaient bien : leur geste n’était pas dirigé contre la démocratie, mais témoignait au contraire de leur désir de la voir enfin respectée dans ce qu’elle a de plus essentiel : la souveraineté populaire.

    C’est d’ailleurs pour cela que certains étaient déguisés en « sauvages » : les Européens l’ont oublié, mais lors de la célèbre Boston Tea Party de décembre 1773, événement marquant qui précédé la guerre d’indépendance américaine, les rebelles s’étaient eux aussi déguisés en Indiens (de la tribu des Agniers).

    En France, la presse mainstream a unanimement salué la victoire de Biden et dénoncé la « tentative de coup d’État » de Donald Trump. Que faut-il en conclure ?

    Que les mots n’ont plus de sens aujourd’hui, parce que ceux qui les emploient sont incultes. Parler de « coup d’État » est absolument grotesque. Un coup d’État implique un plan préparé, une tactique, des consignes, des mots d’ordre. Rien de tout cela ici. Ce n’est pas à un remake de l’incendie du Reichstag, de la marche sur Rome ou de la prise du Palais d’hiver que l’on a assisté, mais seulement un mouvement de foule spontané qui n’a duré que quelques heures, et que l’on pourrait très bien comparer à la tentative des Gilets jaunes de se rendre à l’Elysée (où l’on avait prévu l’exfiltration de Macron !) il y a quelques mois.

    Ce qui est intéressant, en revanche, c’est que la vaste majorité des électeurs de Trump ont approuvé ce mouvement de colère, ce qui en dit long sur la profondeur de la fracture qui divise désormais les Américains. Cette fracture n’est pas près de se résorber. Le sénile Joe Binden l’a finalement emporté, mais le fait important est qu’en 2020, Trump a recueilli 12 milllions de suffrages supplémentaires par rapport à 2016 : 74 milllions de voix contre 62 milllions quatre ans plus tôt. Cela montre, même si le parti démocrate – qui n’est plus aujourd’hui le parti des travailleurs, mais celui des minorités – se retrouve en position de force au Congrès, que le phénomène trumpiste est toujours là.

    La vague de répression et de censure qui s’est opérée depuis (réseaux sociaux, comptes supprimés ou bloqués) doit-elle nous inquiéter ?

    J’y vois surtout une confirmation. On peut bien sûr trouver cette censure scandaleuse, et elle l’est assurément. Mais il y a de l’ingénuité dans cette réaction. S’il y a un enseignement à tirer du spectacle de la répression orchestrée par les GAFA, c’est bien qu’elle révèle la naïveté de tous ceux qui, depuis des années, célèbrent les réseaux sociaux comme des « espaces de liberté ». Malgré ses avantages, Internet n’est pas un espace de liberté, mais un espace de flicage, d’ordures verbales et de tout à l’égo. Je trouve désolant que tant de gens se livrent eux-mêmes à l’autoflicage en racontant leur vie sur les réseaux sociaux. Au lieu de se plaindre, qu’ils les quittent ! J’ai choisi pour ma part, depuis le début, de ne jamais m’exprimer sur les réseaux sociaux. Je m’en félicite tous les jours. Donald Trump, qui n’était pas un homme d’État, a cru aux réseaux sociaux. Il a vécu de Tweeter, Tweeter l’a tué.

    Vous avez souvent, dans vos écrits, mis en garde les Européens contre une trop grande préoccupation, en négatif comme en positif, vis-à-vis des Américains. Qu’en est-il aujourd’hui ?

    Cela fait des décennies en effet que je répète que les Européens doivent se sentir solidaires de la puissance continentale de la Terre, et non de la puissance maritime de la Mer. En clair, qu’ils doivent se tourner vers l’Est et non vers l’Ouest, vers les pays du soleil levant et non vers ceux du Couchant. Je ne suis certes pas le seul à l’avoir dit, mais le tropisme « atlantiste » reste puissant. Il me semble néanmoins que les choses pourraient évoluer dans les années qui viennent. La période de transition dans laquelle nous vivons est aussi celle d’un effacement progressif du monde unipolaire ou bipolaire du temps de la guerre froide. Lors de son investiture, entre la Bible et Lady Gaga, dans une capitale fédérale en état de siège, gardée par plus de soldats qu’il n’y en a aujourd’hui en Syrie, en Irak et en Afghanistan, Joe Biden n’a pas manqué de réaffirmer la volonté de l’Amérique de « mener le monde ». Elle en aura de moins en moins les moyens. Plus personne ne croit que les États-Unis sont encore la « nation indispensable », et que leur présence nous dispense de chercher par nos propres moyens à devenir une puissance autonome.

    Depuis 1945, les Etats-Unis n’ont eu de cesse de mener des campagnes d’influence idéologiques, en Europe notamment. Comment les Européens peuvent-ils s’en prémunir, alors que de Macdonald à Netflix, tout est fait aujourd’hui pour conditionner la jeunesse ?

    Il n’y a évidemment pas de recette magique. Les Américains continueront à récolter les bénéfices de leur « soft power » aussi longtemps que les Européens n’opposeront à ce dernier aucune alternative crédible. Mais il faut aussi compter avec l’évolution de l’image de l’Amérique. Les États-Unis se sont toujours flattés d’être un free country, un pays libre. Aujourd’hui, on voit de plus en plus clairement qu’ils répandent dans le monde la guerre civile et le chaos, et qu’ils exportent vers nos sociétés des formes nouvelles de censure, des comportements d’un néo-puritanisme hystérique, des nouveaux interdits, des débats sur le sexe, le « genre » et les « races » qui ne correspondent pas à notre culture, toutes choses qui ne séduisent vraiment que le milieu LGBT et les adeptes de la « cancel culture », qui sont parfois aussi des stipendiés. Je peux évidemment me tromper, mais j’ai l’impression que l’attirance qu’a pu susciter l’Amérique va progressivement se tarir.

    En France, le monde politique a été secoué par l’affaire Duhamel. La gauche « morale » n’est-elle pas finalement la gauche la plus dégueulasse, eu égard aux affaires qui se multiplient ?

    Ne soyez pas naïf : si la « dégueulasserie », comme vous dites, était l’apanage d’une famille politique, ce serait simple. Mais ce n’est pas vrai. La « dégueulasserie », elle est inhérente à la nature humaine. Mais vous avez raison : même si l’on sait très bien qu’un lâche peut écrire un admirable traité sur le courage militaire, on a du mal à supporter les leçons de vertu dispensées par de vieilles prostituées ! Camille Kouchner accuse son beau-père, Olivier Duhamel, d’avoir eu des rapports incestueux avec son frère. Le terme est mal choisi. Traditionnellement, l’inceste se définit comme une relation sexuelle avec un parent biologique, ce que n’est pas un beau-fils (ce n’est qu’en 2016, soit bien après les faits, que la définition légale de l’inceste a été élargie). Olivier Duhamel s’est en réalité rendu coupable d’agression sexuelle sur mineur. Je rappelle d’ailleurs qu’en France, l’inceste entre adultes ne tombe sous le coup d’aucune loi pénale.

    D’Œdipe au Souffle au cœur de Louis Malle (1971), l’inceste est une vieille affaire. Dans la tradition biblique, toute l’humanité provient d’ailleurs d’un inceste initial : Adam et Eve n’ayant eu que trois fils, Caïn, Abel et Seth, on voit mal comment ces derniers auraient pu engendrer une descendance sans coucher avec leur mère !

    Concernant Olivier Duhamel, le terme d’« inceste » est en revanche parfaitement justifié au plan de la métaphore. Dans cette affaire, c’est comme avec une pelote de ficelle (ou le système des poupées russes) : on tire sur un fil et, peu à peu, c’est toute série de personnages, tout un petit monde qui apparaît : les Kouchner, les Pisier, les Duhamel, les Jean Veil, les dirigeants du Siècle, les figures centrales de la « gauche caviar » des années 1970. Que du beau monde ! Un beau monde qui entretenait des relations véritablement incestueuses sur le plan médiatique, politique, académique et financier. Tous dans le sens du vent, tous de gauche évidemment, admirateurs tantôt de Fidel Castro tantôt de Michel Rocard, tous sociaux-démocrates, tous apparentés d’une manière ou d’une autre, vendus ou achetés, titulaires de prébendes, de jetons de conseils d’administration. Un monde incestueux en ce sens qu’il s’agissait d’un monde fonctionnant exclusivement à l’entre-soi. Un monde où tout le monde se tutoie, où tout le monde couche avec tout le monde.  C’est ce monde-là qui apparaît dans sa répugnante splendeur à la faveur du scandale déclenché par Camille Kouchner.

    Au rythme des révélations, des plaintes, des « metoo-inceste », on peut prévoir que l’affaire va encore connaître des développements. D’autant que, comme chaque fois que la parole « se libère », on voit aussi se multiplier les allégations mensongères, les accusations sans preuve et les flots de fantasmes : l’imagination est toujours bonne fille ! En fin de compte, j’ai quand même l’impression qu’Olivier Duhamel n’a pas trop à craindre. Dominique Strauss-Kahn s’est refait une réputation en quelques années. Je n’imagine pas que Duhamel puisse être martyrisé médiatiquement et politiquement comme l’a été (et continue de l’être) Gabriel Matzneff, tenant d’un libertinage aristocratique dont on peut penser ce qu’on veut, mais qui n’a jamais commis d’inceste, jamais violé personne et n’a jamais partagé son lit qu’avec de jeunes amantes en âge d’avoir des enfants.

    Enfin, sanitairement parlant, il semblerait qu’un reconfinement soit de nouveau possible, tandis que l’économie s’effondre peu à peu. Comment expliquez-vous la passivité des corps de métiers qui sont en train de mourir sans réagir ? Et la terreur qui semble s’être emparée d’une grande partie de la population, qui réclame toujours plus de contraintes sanitaires pour « ne pas mourir » et « ne pas transmettre » le Covid ? Qu’est-ce que cela dit sur les masses européennes ?

    Il est en effet probable que nous serons à nouveau confinés dans les jours qui viennent. On sera ensuite déconfinés, puis à nouveau reconfinés, redéconfinés, et ainsi de suite ! Les restaurants et les cinémas ne rouvriront pas avant le mois d’avril, à moins que ce ne soit le mois de juin, voire celui de septembre. Vous parlez de la passivité des corps de métiers les plus menacés, et au-delà de l’ensemble de la population. Ce n’est qu’en partie vrai. Les corps de métiers qui vont le plus souffrir protestent quand même, et quand ils ne toucheront plus l’aide que l’Etat leur a attribuée, on peut penser qu’ils protesteront bien plus fort encore. D’ici là, la société va continuer de se répartir entre piqueurs et piqués, confineurs et confinés, covideurs, covidables et covidés !

    Mais la vérité est que les gens n’en peuvent plus et ne comprennent plus rien. Depuis près d’un an, ils voient se succéder les cafouillages et les retards, les ordres et les contre-ordres, les promesses et les démentis, sans jamais voir le bout du tunnel. Dans la gestion de cette crise sanitaire, les pouvoirs publics ont lamentablement échoué dans tous les domaines : les masques, les tests, les vaccins. Il n’y a pas un seul loupé qu’ils aient raté ! Pendant ce temps, le déficit public prend des allures de tsunami, la dette n’en finit pas de monter, les faillites et les dépôts de bilans vont s’accumuler, et l’on réalisera qu’au bout du compte le coût économique et social de la crise aura été bien pire encore que le coût pour la santé.

    Certains s’en félicitent. Ils souhaitent profiter de l’occasion pour aller vers une société où il y aura toujours des usines à bouffe, mais plus de restaurants, toujours des centres commerciaux, mais plus de commerces de proximité, où l’on n’ira plus au spectacle mais où l’on regardera des films chez soi, où l’on achètera tout sur Internet, où l’argent liquide sera progressivement abandonné, où les contacts sociaux seront ainsi réduits à rien. Une société où l’expression de « distanciation sociale » aura pris tout son sens. Car c’est bien ce qui est en jeu aujourd’hui : faut-il sacrifier le corps social pour sauver les corps individuels ? Le plus pénible est encore devant nous.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-Info, 26 janvier 2021)

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  • Tour d'horizon... (200)

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    Au sommaire cette semaine :

    -  dans la Lettre de Comes Communication, Bruno Racouchot interroge Alain de Benoist pour décortiquer avec lui les rouages de cette machine de censure et d'autocensure qui, au nom du "Bien", bride le fonctionnement harmonieux des sociétés humaines...

    Censure et autocensure vs débats d'idées et jeux d'influence : le décryptage d'Alain de Benoist

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    - sur Rébellion, Guillaume Le Carbonel revient sur le parcours idéologique d'Otto Strasser

    Otto Strasser (1897-1974) : Décroissance et Empire

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  • L'Homme, sa nature et sa position dans le monde...

    Les éditions Gallimard viennent de publier un essai d'Arnold Gehlen intitulé L'Homme - Sa nature et sa position dans le monde.

    Figure de proue de l'anthropologie philosophique, Arnold Gehlen, dont la réflexion porte sur l'homme en tant qu'"animal inachevé" (Nietzsche) mais "ouvert au monde", est considéré comme un des intellectuels conservateurs les plus importants  du XXème siècle. Son œuvre a été, jusqu'à présent, très peu traduite en français et donc largement ignorée de ce côté-ci du Rhin. Seuls deux recueils de textes intitulés Anthropologie et psychologie sociale (PUF, 1990) et Essais d'anthropologie philosophique (Maison des sciences de l'homme, 2010) ont été publiés au cours des trente dernières années. Il convient aussi de noter que la revue Krisis d'Alain de Benoist avait traduit un texte de Gehlen, Problèmes psychosociologiques de la société industrielle, dans son numéro consacré à la technique (n°24, novembre 2000).

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    " Arnold Gehlen (1904-1976) est l'un des protagonistes majeurs, à côté de Max Scheler et de Helmuth Plessner, de l'anthropologie philosophique, vaste courant encore méconnu qui a traversé le XXe siècle en dialoguant avec la plupart des écoles philosophiques et sociologiques allemandes, de la phénoménologie à l'école de Francfort. Son maître-ouvrage, L'Homme, paru en 1940, est considéré comme l'un des trois livres fondateurs de ce courant, à côté de La Situation de l'homme dans l'univers, de Scheler (1928) et des Degrés de l'organique et l'Homme, de Plessner (1928). Il interroge la place spécifique de l'homme comme organisme vivant dans la nature, selon une approche qui croise les sciences de son temps, la tradition philosophique de l'idéalisme allemand et le pragmatisme américain. Le concept de l'homme comme "être déficient" , biologiquement inadapté, met en relief sa constitution physique particulière, ouverte au monde, par contraste avec la morphologie de l'animal, corrélée à son milieu naturel. L'homme, cet orphelin de la nature, survit en compensant ses déficiences biologiques initiales par l'action, laquelle lui permet d'élaborer une "nature artificielle" . Cette anthropologie de l'action débouche sur une théorie des institutions que Gehlen allait développer par la suite et dont il propose une première esquisse dans ce livre. "

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  • Quand notre société préfère les victimes aux héros vainqueurs...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque notre époque qui se caractérise par son cultes des victimes et des mémoires souffrantes. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019) et dernièrement Ernst Jünger entre les dieux et les titans (Via Romana, 2020) ainsi que La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Alain de Benoist : « Les seuls héros qu’on admire aujourd’hui sont ceux qui se font tuer… »

    Naguère, le héros, le combattant, le sage et le saint étaient admirés et donnés en exemple. Aujourd’hui, les victimes semblent avoir pris leur place. Comme expliquer une telle mutation symbolique ?

    Deux causes fondamentales : le discrédit des valeurs héroïques, la montée de l’idéologie victimaire, lacrymale et exhibitionniste.

    Il est clair que les valeurs héroïques sont aujourd’hui perçues comme des valeurs d’une époque que l’idéologie dominante, avant tout hédoniste, individualiste et utilitariste, s’emploie à présenter de façon répulsive. Comme tout ce qui touche à la patrie, elles sont décrétées « ringardes », c’est-à-dire à la fois vieillottes et obsolètes. On admire à la rigueur les héros qui se sont fait tuer (le colonel Beltrame, les soldats français tombés au Sahel), car leur mort a fait d’eux des victimes, mais on se méfie des héros vainqueurs. Trop guerriers dans une époque qui rêve de paix universelle, trop virils à l’époque de la « masculinité toxique » (le « repos du guerrier » ayant déjà été mis hors-la-loi par les pétroleuses du mitou).

    Parallèlement, la sensibilité s’efface, mais la sensiblerie ne cesse de s’étendre. Il y a moins d’un siècle (en France, cette disposition n’a été abolie qu’en juin 1939), les exécutions capitales se faisaient en public, et les parents emmenaient volontiers leurs enfants y assister en raison des vertus “éducatives” du spectacle. Aujourd’hui, la vue d’un pigeon mort traumatise les shampouineuses et les bobos.

    La « lutte-contre-toutes-les discriminations » relève elle aussi de l’idéologie victimaire. Le philosophe Denis Collin y voit à juste titre « un mot d’ordre creux qui sert à passer en contrebande de la camelote frelatée pour le plus grand bénéfice des classes dominantes ». Le tour de passe-passe consiste à confondre discrimination et injustice. Or, il y a des discriminations qui sont parfaitement justes : il est normal, par exemple, qu’un citoyen bénéficie de prérogatives qui ne sont pas accordées aux non-citoyens. Inversement, il y a des injustices qui n’impliquent aucune discrimination de race ou de sexe : les inégalités sociales ne procèdent pas de la discrimination, mais de l’exploitation du travail vivant par un système capitaliste peu regardant sur la source de la plus-value. L’aspiration au « safe place », en « non-mixité sans hommes cis-hétéro et sans personnes blanches », est l’ultime souhait des néoféministes et des indigénistes pour éviter les discriminations. L’idée, importée des États-Unis, est qu’il faut soustraire les victimes potentielles à tout contact avec les méchants aux intentions « pas claires ». On est loin du temps des héros !

    Désormais, dans tel ou tel conflit, au lieu d’analyser les motifs des belligérants, le poids de l’histoire et de la géographie, nos préférences paraissent réservées aux « agressés », négligeant le fait que l’« agresseur » puisse aussi avoir ses raisons. De plus, la compassion est également parfois à géométrie variable, selon la nature de l’agresseur ou de l’agressé. Une nouvelle étape dans le recul du politique ?

    Notons d’abord que la compassion est un sentiment, pas une vertu. Elle « peut devenir vertu, écrit Pierre Manent, si elle est guidée par ces vertus que sont le courage, la justice et la prudence. Sans cette éducation, elle fait plus de mal que de bien ».

    La guerre, comme l’a dit Clausewitz, n’est que la politique poursuivie par d’autres moyens. Or, en politique, il y a aussi des amis et des ennemis. Mais cette distinction n’est pas un critère moral. On savait bien autrefois que dans une guerre, chacun peut avoir ses raisons et que les débordements qu’elle engendre ne sont l’exclusivité d’aucun camp. Le respect du « juste ennemi » (justus hostis) était même le fondement de l’ancien droit des gens. Aujourd’hui, l’interprétation de la guerre est devenue manichéenne : elle est censée relever d’une morale juridique qui s’impose aussi au politique. La « juste cause » (justa causa) a remplacé le « juste ennemi », l’ennemi n’est plus une simple figure de l’adversité, mais l’incarnation du Mal. Les « agressés », comme les victimes, se situent nécessairement du côté du Bien. Bien sûr, comme vous l’avez observé, cette approche ne va pas sans partialité. Quand les victimes sont du côté des « agresseurs », on parle de crimes contre l’humanité ; quand elles sont du côté des agressés, ce sont des « dommages collatéraux ».

    Très logiquement, ce phénomène débouche sur ce que l’on appelle la « compétition victimaire », laquelle se déroule généralement en invoquant la « mémoire ». N’y a-t-il pas dans cette dérive quelque chose de malsain, sinon d’obscène ?

    Ah, la mémoire ! La mémoire de l’esclavage et la mémoire du génocide vendéen, la mémoire des camps, la mémoire des anciens jours, la mémoire des dieux et des héros. Vous observerez d’abord que cette mémoire est toujours subjective, raison pour laquelle elle se distingue fondamentalement de l’histoire, qui vise au contraire à l’objectivité. Tout naturellement, celui qui a beaucoup souffert a tendance à penser que personne ne peut avoir souffert autant que lui. Mais le statut de victime peut aussi s’avérer éminemment rentable : non seulement on est plaint, mais ça rapporte. Il suffit de susciter un sentiment de « culpabilité », d’en appeler à la « repentance » et de demander des « réparations ». Certains lobbies se sont spécialisés dans cette industrie, tels ces mouvements indigénistes qui prétendent parler au nom des « afro-descendants ». La société ne se compose plus de sujets-citoyens mais de victimes qui, tous à qui mieux mieux, demandent réparation pour des dommages souvent imaginaires, et exigent que ceux qui ne pensent pas comme eux soient envoyés devant les tribunaux.

    La mémoire a ses mérites, mais elle peut aussi être encombrante, sinon paralysante. Sans tomber dans l’amnésie volontaire, il faut parfois se décharger l’esprit pour retrouver une certaine « innocence ». Nietzsche faisait de la « plus longue mémoire » le trait caractéristique de l’homme de l’avenir, qui était pour lui le pire des hommes. Il ne conviait pas à cultiver la mémoire, mais la volonté d’agir. « On ne ramène pas les Grecs, mais on peut s’en inspirer », disait-il encore. Heidegger dira après lui à peu près la même chose : il ne faut pas chercher à répéter le passé, et encore moins vouloir s’y réfugier, mais s’inspirer de ceux qui dans le passé ont su créer une culture nouvelle pour apprendre, à leur exemple, à œuvrer en vue d’un nouveau commencement.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 8 janvier 2021)

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  • " Quand les membres d’une société n’ont plus rien en commun, il est inévitable qu’elle se disloque"...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque le triomphe de l'individualisme dans nos sociétés. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019) et dernièrement Ernst Jünger entre les dieux et les titans (Via Romana, 2020) ainsi que La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Alain de Benoist : « L’individualisme libéral, c’est quand l’État de droit conteste le droit de l’État… »

    , voici quelques semaines, déclarait vouloir lutter contre le « séparatisme musulman ». Christophe Guilluy évoque, dans ses ouvrages, une coupure radicale entre les grands centres urbains et la « France périphérique », tandis que Jérôme Fourquet parle d’une « archipelisation » de la société française. Pourquoi la France semble-t-elle plus divisée que jamais ?

    Les causes sont nombreuses, mais il y en a une qui est essentielle, c’est que nous sommes désormais entrés dans la société des individus.

    Celle-ci trouve son origine dans l’idéologie libérale, historiquement associée à la montée de l’individualisme, puisque ses fondements théoriques postulent un homme dessaisi de ses appartenances, n’ayant à subir en amont de lui-même aucune « fatalité » historique, culturelle, familiale ou sexuelle, cherchant en permanence à maximiser son meilleur intérêt, entièrement privatisé, c’est-à-dire propriétaire de lui-même, titulaire de droits naturels lui permettant de s’émanciper du lien social et donc de se construire lui-même à partir de rien. La poussée individualiste emporte avec elle une valorisation hédoniste de la sphère privée, un désintérêt, voire une hostilité larvée, vis-à-vis des affaires publiques, un désengagement politique, un mépris des « grands récits » passionnels des deux siècles derniers. L’homme n’est plus un héritier : refusant d’être « assigné » à quoi que ce soit, il est « celui » qu’il veut être – ce qui revient à dire qu’il n’y a plus de singularités que subjectivement choisies, et que la passion de la désappartenance en est le moteur. Il en résulte des transformations civilisationnelles capitales, de nature sociologique, politique, anthropologique et surtout juridique.

    La société des individus est aussi la fille de l’idéologie des droits de l’homme, qui fait du sujet de droit un homme en soi, hors-sol, un homme abstrait, de partout et de nulle part. Le premier de ces droits est celui de faire sécession d’avec ses semblables. L’individu, dit Marcel Gauchet, est « le premier acteur social de l’histoire humaine en droit d’ignorer qu’il est en société, au nom même des droits qui lui sont reconnus par la société ».

    Le terme d’individu fait pourtant parfois l’objet d’appréciations laudatives par opposition au collectivisme. C’est une erreur ?

    Ce n’est pas au collectivisme que s’oppose la société des individus – laquelle s’accommode, par ailleurs, fort bien de toutes les formes de conformisme –, mais au commun. Quand les membres d’une société n’ont plus rien en commun, plus de sociabilité commune, plus de valeurs partagées, que plus rien ne les réunit, il est inévitable qu’elle se disloque. On peut bien alors en appeler au « vivre ensemble », ce n’est au mieux qu’un vœu pieux.

    L’individu ne doit pas être confondu avec la personne, pas plus qu’on ne doit confondre l’individualisation avec l’individuation, cette dernière définissant la capacité pour une personne de juger de sa situation et d’adopter une conduite autonome responsable. Marcel Gauchet écrit encore, très justement : « Individualiser signifie, du point de vue de la logique collective, décharger les acteurs de l’obligation de produire et d’entretenir le lien de société […] L’individu que l’on peut dire “individualisé” est celui qui se pense spontanément comme existant par lui-même, indépendamment de sa société, alors qu’il n’existe que par elle et en elle. » Une telle société produit les individus qui la produisent, en sorte que nous habitons désormais des « sociétés qui travaillent à fabriquer par le droit des individus sans société ». On ne saurait mieux dire.

    Vous parlez de « transformations capitales ». Lesquelles ?

    La société n’étant plus la réalité première, c’est l’individu qui vient en premier. C’est lui qui fonde le droit, et c’est à partir de lui que le social doit être compris (c’est ce qu’on appelle l’« individualisme méthodologique »). Le « holisme » disparaît. Dans la société des individus, nul ne se sent plus partie d’un tout, que ce tout s’appelle un peuple, une culture ou un pays. La société étant vue comme un assemblage aléatoire d’individus, qui ne s’associent volontairement que pour défendre leurs intérêts (c’est le mythe du contrat social), mais restent toujours potentiellement des rivaux les uns des autres, on perd de vue que ce tout possède des caractéristiques qu’il ne possède que parce que le tout excède les parties qui le composent. C’est ce que voulait dire Margaret Thatcher quand elle prétendait que « la société n’existe pas ». Elle aurait bien pu dire que les forêts n’existent pas, puisqu’elles ne sont jamais qu’une addition d’arbres isolés !

    Dans la société des individus, l’économique remplace le politique, le bien-être remplace le bonheur, la « vie en couple » remplace le mariage, le sociétal remplace le social, le consommateur festif remplace le citoyen. L’individu supplante à la fois les personnes et les masses, l’État de droit conteste le droit de l’État. L’être est rabattu sur l’avoir. Sous l’œil intéressé du capital, le sens de la vie se ramène à se distraire et à consommer : Homo œconomicus et festivus. La religion est perçue comme une opinion parmi d’autres, comme une option strictement individuelle, ce qui rend incompréhensible toute idéologie religieuse qui cherche à convertir, ce que le mot « religion » signifiait dans le passé. Mais je ne fais là qu’esquisser à grands traits une réalité qui demanderait à être examinée plus en détail. C’est une révolution silencieuse qui s’est accomplie sous nos yeux.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 6 janvier 2021)

     

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